MES DERNIERES (BONNES) LECTURES

30/09/2018

Rêves d'Utica m'a pris du temps. D'abord parce qu'il fait presque 400 pages, mais aussi parce que j'ai d'autres chats à fouetter et autre chose à faire que des comptes-rendus de lecture le dimanche après-midi. Mais attention, chaud devant ! Ce premier roman de Roznarho va faire du tri sélectif !  Si vous n'avez pas la lumière à tous les étages, mieux vaut ne pas vous attaquer à ce récit complexe qui va malmener les rares neurones qui vous restent. Vous pensez avoir l'étoffe du lecteur cyberpunk ? Vous aimez le post-apocalyptique et les trucs bizarres ? Alors venez, c'est par ici !

Ghetto surpeuplé de la Zone 3. La révolte éclate. Alyss, adolescente timide en proie à d'étranges visions, s'enfuit et part à la recherche d'Utica, cité refuge fondée aux confins du monde par le mythique Protée.
Peuples barbares, savants fous, humains augmentés, cyborgs et intelligences artificielles sèmeront autant d'embûches sur son chemin.
Mais si le monstre n'était pas celui que l'on croyait ?

Ce que vous trouverez dans ce livre :
- une jeune  héroïne, un peu rafistolée...
- un robot kawaii en version couteau-suisse
- des gros méchants (parfois drôles, parfois pas du tout, mais pas du tout !)
- un voyage à travers l'Afrique
- des paysages post-apo
- des réflexions sur l'actualité
- de l'archéologie africaine
- de la mythologie grecque
- des contes populaires (à vous de retrouver lesquels)
- des clins d'oeil à des références SF (livres et films des années 70 à 90, faut être attentif !)
- des gadgets cyberkeupons
- de la physique quantique et de la physique des particules

Au salon de Paris, la couverture m'avait attirée et l'autrice était sympa... J'avais donc donné sa chance au bouquin.  D'autant plus qu'il était question de transhumanisme, d'univers à la K.Dick et on m'avait vanté des références qui ne pouvaient pas me laisser indifférente.  Du Matrix mélangé à du Mad Max ? Avec un soupçon de Blade Runner ? OK, il fallait que je le lise ! 

J'ai mis deux ans pour me décider à plonger dans cet univers cyberpunk un peu glauque. L'écriture me paraissait quelque peu compliquée, l'univers riche et détaillé. Trop, peut-être. Confus ? 

Effectivement, ce roman est très dense. On ne le lit pas pour se "changer les idées" et se vider la tête. On le lit en conscience, concentré, aux aguets. C'est qu'il faut être bien réveillé pour suivre toutes ces digressions en italique, ces bouts de phrases lâchés comme des devinettes que le lecteur doit déchiffrer. 

L'écriture est recherchée, le décor bien posé. 

Le Réseau, les cycones, le recyclage des corps sous forme de Milho, m'ont énormément rappelé Soleil Vert, mais aussi Cloud Atlas

Dans Soleil Vert, adapté du roman Make Room, la plupart des habitants n'ont pas les moyens d'acheter des aliments naturels, les prix étant exorbitants. Ils en sont réduits à manger des produits de synthèse, fournis par la multinationale « Soylent », sous forme de tablettes carrées de couleur jaunes, rouges ou bleues.  

Cet aliment est, selon le discours officiel, censé être fabriqué à partir du plancton. En réalité, même les océans sont devenus stériles et l'anthropophagie est désormais intégrée au système alimentaire humain.

Pourchassé par les tueurs au service du gouverneur,  le personnage de Thorn finit par être sévèrement blessé. Quand son supérieur arrive à sa rescousse, Thorn se met à hurler que le « soylent green est fabriqué avec des gens qui servent de bétails ».

Ainsi, dans le roman de Roznarho, c'est le père d'Alyss, l'Artificier, qui crie: " Camarades! Voyez le CGU ! Il n'a pas cessé de nous mentir ! Utica et toutes ces conneries ! Ca n'existe pas ! Pas de destination ! Pas de transfert ! Pas de vaisseau ! Regardez ce qu'ils ont fait de nous ! Des monstres mangeurs d'hommes !"

J'ai retrouvé aussi un peu de Cloud Atlas dans Utica, plus précisément l'univers de la clone Sonmi-451, qui vit en 2144.  D'abord parce qu'Alyss a un peu la même capuche que la jeune clone ! Mais aussi et surtout parce qu'on retrouve là le même style de monde sous contrôle. Dans Cloud Atlas, la société est régie par des corporations consuméristes sous l'empire d'une organisation appelée Corpocratie, qui fait régner une idéologie appelée l'Unanimité (qui n'est pas sans rappeler le CGU d'Utica).

Comme dans Rêves d'Utica, le Néo-Séoul imaginé ici se présente comme une dystopie révélant la pire société qui soit. Sonmi découvre que le savon utilisé pour nourrir les serveuses de Papa Song est fait à partir de corps humains. Le cannibalisme est involontaire et résulte de la tromperie provoquée par l'entité au pouvoir. Cette partie est un hommage direct au Soleil Vert de Richard Fleischer (1974).

La fin du roman de Roznarho a aussi ce côté métaphysique qu'on trouve dans Cloud Atlas. Mais je ne vais pas vous spoiler, hein !!! 

Et ça, c'est moi après la lecture d'Utica

Verdict: j'ai bien aimé ce roman au style affirmé et très maîtrisé. Je le range dans la catégorie des livres à relire plusieurs fois, ce genre de bouquins qui revêtent différents niveaux de lecture et qui marquent profondément l'inconscient. Mais j'attendais plus d'originalité et de surprises; j'ai eu pas mal d'impressions de déjà vu.... le sentiment de boire une soupe bien cuisinée mixant Ghost in the Shell, Blade Runner et Star Wars (le biobot d'Alyss aurait pu être fabriqué par le jeune Anakin)...

C'est toutefois une très belle aventure initiatique, intelligente et complexe, à l'image de son auteur.... que je vais suivre de près ces prochaines années ! 

ET ALORS ROZNARHO... C'EST QUI  ???

Roznarho est née en 1984 à la Roche-sur-Yon (85, France). Chercheuse en archéologie, elle fait partager au lecteur ses différentes passions : l'Afrique, les sciences, les contes et légendes. 

Et comme vous pouvez voir, en plus d'être super intelligente, elle est très jolie ! 

Sur son site, elle explique avoir choisi ce nom d'auteur pour plusieurs raisons :

  • pour plus de lisibilité en différenciant ses activités d'auteure de ses activités de chercheuse
  • pour rendre hommage à ses origines bretonnes en prenant un nom breton
  • pour évoquer ce qui lui a fait découvrir l'archéologie ( Car la signification de ce nom est « le trésor, le coffre caché dans la colline », trésor qui peut être aussi une tombe, et fait écho aux sépultures aménagées dans un tumulus, donc au mégalithisme breton)
  • pour le côté gothique de cette signification 
  • Et plein d'autres raisons que vous trouverez sur son site web !  

C'est tout pour cette fois ! Je m 'en vais attaquer un nouveau titre pour dans quinze jours ! En attendant, retrouvez-moi au festival du livre de Mouans Sartoux ce week-end...