L'ENFER À PRADO PARADIS
Je suis totalement écœurée de ma journée de dédicaces samedi dernier à Prado Paradis à Marseille, une librairie qui n'a de paradisiaque que son nom. Dans cette usine sans âme, j'ai été accueillie comme un chien... enfin, pas tout à fait, car les chiens, on a généralement la bonté de leur donner une petite gamelle d'eau. À moi, on n'a proposé que tacitement d'aller pratiquer l'amour anal.

On m'avait donc installé
une table brinquebalante dans un coin, bien plaquée contre un mur près de quelques livres sur les chats. Frappée
d'une ailurophobie soudaine, j'ai eu l'audace de déplacer légèrement
la table pour la mettre face à l'entrée, histoire de me rendre visible des gens
(et de moins côtoyer les félins). Je croyais en effet que j'étais venue pour
rencontrer le public et vendre des livres, et non pour inviter les passants à
découvrir ma cachette en territoire hostile, en mode Battle royale de Fortnite.

J'ignorais que ce sacrilège, couplé au crime d'avoir déplié mes deux roll-ups (des kakémonos) promotionnels pour les placer derrière moi, allait m'attirer les foudres de Judge Dredd alias le gérant de ladite librairie. Mes « deux gros machins » (selon ses mots), qui, pourtant n'avaient rien des colonnes d'airain du temple de Salomon l'ont ému au point de tourner les talons en soufflant bruyamment pendant que je tentais une approche pacifique : « Mais, heu... quel est le problème, en fait ? ».

Tout au long de la journée, ce gérant justicier adepte du châtiment immédiat n'a eu de cesse de me faire des réflexions, de me mettre mal à l'aise devant les lecteurs en aboyant depuis sa caisse pour me forcer à replacer la facétieuse muselière qui me glissait sous le nez. C'est dans cette atmosphère quasi carcérale que j'ai tenté de communiquer avec le public, ignorant les remarques sarcastiques de notre garant de l'ordre. C'est ainsi que je l'ai entendu s'adresser à une cliente assez fortement pour me faire bien comprendre, si cela n'était pas déjà le cas, que je faisais chier le monde : « Oui, Madame, faites le tour, le passage est BOUCHÉ ! ». Oui, comme le port de Marseille, il était bouché par une sardine de 58 kilos.

Le seul vendeur avec qui j'ai eu un contact humain, c'est l'aimable libraire qui m'a aidée à porter les cartons à mon arrivée. Tous les autres les autres avaient l'air en dépression, à tel point qu'il y aurait eu plus d'ambiance dans un crématorium.

À la fin de journée, j'ai demandé pourquoi. Pourquoi êtes-vous aussi méchant ? Pourquoi ma venue n'était-elle pas signalée ni en vitrine, ni dans le magasin ? Pourquoi la fille de Jamie Frazer et Claire Randall n'a-t-elle pas les yeux bleus dans Outlander ? Heu... ça non, mais si quelqu'un a une explication, merci de m'écrire en MP.
Il paraît, m'a rétorqué le libraire, que les affiches annonçant la venue de tel ou tel artiste n'attirent pas le monde. Qu'en 20 ans de métier, il a bien eu le temps de le constater. Et il m'a ri au nez. Pourtant, il y avait bien deux affiches collées en vitrines pour les deux personnalités invitées prochainement par une association marseillaise. En particulier un certain Didier Raoult. Donc, ces affiches ne servent à rien ? Bah oui, c'est bien connu, les supports de communication sont inutiles.

« Ah, mais ce n'est pas nous qui les mettons, c'est l'association ! ». Donc l'association place en vitrine et près de la caisse des affiches qui ne servent à rien, et Prado Paradis a bien raison de ne pas annoncer les auteurs invités, on ne sait jamais, au cas où ces derniers vendraient des livres !
Enfin, quelques femmes aigries au faciès malheureux ont râlé en caisse parce que je parlais derrière ma table avec le sacrosaint affublement mal fixé sur mes narines. À ces pauvres âmes prises de bouffées délirantes, je suggère un traitement contre l'anxiété (et aussi de faire plus souvent l'amour).

"Grâce à vous, me suis-je entendu dire en conclusion de cette charmante journée, je n'inviterai plus aucun auteur en dédicace". Grâce à moi, donc, chers amis, vous éviterez (peut-être) de perdre votre temps dans cet endroit décevant, où les vendeurs font la gueule et où on traite les auteurs locaux au mieux avec indifférence, au pire comme de la merde.
PS :
Merci aux lecteurs qui m'ont donné la
force de rester sur place, sans vous, je serais
rentrée bien plus tôt chez moi.
Merci à Olivier Micotti pour sa visite à la librairie. J'ai vraiment apprécié le petit café et la bouteille d'eau que tu es allé acheter dans la rue d'en face. Cela m'a réchauffé le cœur. Je remercie aussi ma moitié d'orange... toujours prête à me défendre becs et ongles.
Prochaine dédicace: Cultura Toulon, samedi prochain. Avec la Youtubeuse Léna Situation.