2021: VERS UN MONDE (ENFIN) À L'ENDROIT ?
Oui, j'ai un train de retard... mais je sors à peine de mon hibernation pour vous souhaiter à tous une heureuse année 2021. Même si nous vivons dans un monde où ceux qui larguent des bombes sont prix Nobel de la paix. Même si dans ce monde à l'envers, un médecin peut s'improviser expert de la constitution, un pédocriminel peut être élu président de la Fondation nationale des sciences politiques, et des réseaux sociaux peuvent censurer le discours d'un chef d'Etat. Je nous souhaite l'intelligence de refuser qu'une entreprise de biotechnologie solutionne nos problèmes de santé. Je nous souhaite de ne pas croire les mensonges des médias financés par des banquiers et des marchands d'armes milliardaires. Je ne veux pas parler la novlangue. Vous savez, quand les virus ne sont plus « mutants » mais « variants ». Quand les gens ne sont plus des « élèves » mais des « apprenants ». Quand les infirmiers sont « les soignants » et les professeurs « des sachants ». Le philosophe et mathématicien Ludwig Wittgenstein a écrit un jour : « Les limites de ma langue sont les limites de mon monde ». Et notre langue construit le réel tel l'Adam de la Genèse nommant les animaux.

Derrière ces verbiages creux, ces euphémismes, périphrases et autres métonymies martelés à longueur de journée comme des slogans de campagne pour s'implanter dans nos esprits, il n'y a qu'une seule et même volonté fasciste : créer à une rupture, toujours plus nette et pourtant toujours plus subtile, entre mot et chose... C'est ainsi que par quelques glissements sémantiques, un « égorgement » est devenu « une blessure un couteau », « fusillade meurtrière » a remplacé « attentat », « violence éducative ordinaire» a éludé la « fessée », et « expert » a été choisi plutôt que «personne censée donner une teinture prétendument scientifique au politiquement correct ». Adeptes de la langue de bois, des « clusters » et autres « gestes barrières », nos tyrans adorent ces formulations positives qui cachent le plus souvent de sombres réalités. Ils vont « questionner les enjeux », « articuler les ambitions », « définir les leviers » pour « flexibiliser » (comprendre « faciliter le licenciement »), « ouvrir le capital » (« privatiser») et opérer des « redressements productifs » (« virer des employés»). Les gens sont au chômage, c'est la « croissance négative ». Les tensions sociales augmentent, on nous berce avec du « nous inclusif et solidaire » et du« vivre-ensemble ». Oui, dans ce monde, tout est inversé.

Les dictateurs citent Tocqueville dans leurs allocutions. Les va-t-en-guerre responsables de nettoyages ethniques sont appelés « démocrates ». Les racketteurs nous imposent une « TVA Juste». Nous ne sommes pas « vidéosurveillés » mais « vidéoprotégés ». En période de confinement, ces mêmes schizophrènes adeptes des expressions imbitables ont scolarisé nos enfants... à domicile. Il fallait alors « se serrer les coudes » tout en pratiquant la « distanciation sociale » !
Pour 2021, je veux un monde à l'endroit. Peut-on inverser la vapeur et vaincre le Démogorgon ? Je ne sais pas. Parce qu'aujourd'hui nos enfants n'ont pas de superpouvoirs mais un bout de tissu sur le nez du matin au soir. Parce qu'on n'est pas dans une série de science-fiction mais dans la réalité. Une époque charnière dans laquelle, je l'espère, les masques tomberont.

En attendant, je conclurai avec ces mots de Robespierre, qui résonnent curieusement en ces temps orwelliens : "Non jamais la Cour et ses serviteurs ne vous trahiront dans le sens grossier et vulgaire, c'est-à-dire assez maladroitement pour que vous puissiez vous en apercevoir assez tôt pour que vous soyez encore à temps de réparer les maux qu'ils vous auront faits. Mais ils vous tromperont, ils vous endormiront, ils vous épuiseront : ils vous amèneront par degrés au dernier moment de votre agonie politique ; ils vous trahiront avec art, avec modération, avec patriotisme ; ils vous trahiront lentement, constitutionnellement, comme ils ont fait jusqu'ici. »